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Flambant neuf ,
eclatant de blancheur notre nouvel hydravion quitte Bizerte et ses
plages ….Nous longeons la côte Tunisienne , cap à l’ouest
alors que mille pensées m’assaillent … Sel mer et soleil ont
taillé le long de cette côte déchiquetée des crics ,des apics des
éboulis de rochers Voici Tabarka et ses fonds transparents ou le
corail abonde ,village ou Bourguiba passa deux années, loin du
monde politique et des siens
Ce séjour de cinq années
en Tunisie c’est aussi le souvenir du retour d’exil de ce même
Bourguiba en juin 1956 sur son fringant cheval noir, franchissant
les remparts de la ville comme tous les grands héros de l’histoire
Accueillie par les habitants venus de tous les coins de la Tunisie
,une escorte des hautes personnalités locales se fraie un chemin
parmi la foule alors que les plages de la Marsa et de Carthage sont
débordées par une populace bigarrée et chatoyante
Non averti de cet
événement attendu par tout un peuple nous avions décidé avec
quelques membres de la famille la visite des ruines de Carthage
…..Par contre nous ignorions totalement que par prudence guides et
touristes bien informés avaient suivi le mouvement et déserté
les lieux en délaissant pratiquement la côte et ses attraits
Au
fur et à mesure que nous nous éloignions de la côte je gardais
surtout en mémoire la disparition tragique
d un hydravion de
notre escadrille dans les eaux sombres du lac de Bizerte Huit hommes
d équipage ,camarades et amis dont les noms resteront gravés sur
le monument de l’aéronavale de la base d’Hyeres pour l’éternité
depuis ce 2 Nov 1954 Journée noire pour toute notre escadrille
C e
jour je devais voler avec cet équipage mais les servitudes
journalieres m’imposérent dans le cadre des tâches habituelles
attribuées au personnel volant de l’escadrille,la surveillance et
la sécurité du plan d’eau réservé aux exercices des
hydravions Il est vrai qu’une flottille de pêcheurs tunisiens
non informée de ces mouvements pouvait trés bien s’aventurer
imprudemment sur le lac et compliquer dangereusement la tâche des
pilotes
Du
sommet de la vigie surplombant la tour de contrôle je surveillais
donc ce vaste plan d eau et informais les pilotes engagés dans cet
exercice , des conditions de vol ….pression atmosphérique ,
vitesse et orientation du vent Au loin le massif et les
agglomerations toutes blanches de Menzel Djemil … Isolé au
sommet de la vigie de la tour de contrôle je découvrais la totalité
du lac de Bizerte mais aussi dans le lointain les contours de la
montagne Ischkeul noyés dans la brume
Deux
semaines auparavant dans les eaux de la mediterranée l’un de nos
hydravion avait pris feu en vol alors que nous partions pour une
mission de huit heures
Un
odeur acre et une fumée noire se dégageaient du poste radar et le
feu attisé par les filets d’air se développait rapidement dans
l’aile gauche Notre salut nous l’avions dû a une evacuation
rapide des lieux et un saut pécipité dans les dinghies de
sauvetage Un bateau averti par SOS vint à notre secours alors que
l’incendie à bord faisait rage et pendant ce temps nous
naviguions sur les flots agités poussés pa le vent
Le
manque de fiabilité de ce type d’appareil ne pouvait donc que
m’inciter à accentuer ma vigilance et je surveillais avec
attention les évolutions de notre hydravion A chaque passage au
large de la tour de contrôle le pilote m’interrogeait sur les
paramétres de vol Bruquement alors que tout semblait se dérouler
le plus normalement du monde ,le lourd hydravion alors en ligne de
vol peut être à 400 pieds d’altitude bascula sur une aile et
privé apparemment de contrôle , partit en vrille .avant de
s’écraser sur le plan d’eau Cette image je ne l’oublierai
jamais estimant qu il ne pouvait y avoir de rescapés après une
telle peripétie …et encore aujourd'hui je n’ai pu rayé de ma
mémoire la vision de ce plongeon vers la mort
L
hydravion disparut dans une gerbe d’écume , avalé littéralement
par les flots du lac
Me
précipitant au PC operations je déclenchais l’alarme sans
hesitations et m’emparais d une paire de jumelles
Remontant
a u sommet de la vigie , le doute ,la peur d’avoir déclenché
inutilement dans un cauchemar les services de secours de la base
m’envahirent Avais je été victime d une hallucination ?
Réellement je me posais mille questions mais je ne révais pas
…aucune épave à la surface ….la surface de la mer avait
retrouvé son calme , un calme absolu A prés quelques minutes
d’observation j’observais à la jumelle plusieurs morceaux
flottant dans les vagues ..Pas un être vivant , les flots s’étaient
enfin refermés sur les membres de l’équipage et les restes de
l’épave
.
J’apprenais à la fin de la journée , la récupération d’un
survivant ,éléve pilote en formation , maintenu par sa Mae West
mais grievement blessé
Ayant été le seul témoin de la catastrophe la base décida de me
confier les recherches (voir photos )
Trois scaphandriers lourdement équipés ratisserent les lieux
supposés du crash et baliserent une immense zone d’investigations
Aprés une semaine de recherches , l’emplacement de l’épave
était enfin localisé sur un fond couvert d’algues La vision des
differents parties de l’épave n’apportait aucun élément
nouveau et démontrait totalement que l’hydravion privé
brutalement de commandes avait heurté de plein fouet après une
chute verticale de plusieurs centaines de pieds la surface des vagues
L’aspect
des morceaux récupérés des ,postes pilotage et mécanicien
,completement écrasés, ne laissait aucun doute sur les éléments
du témoignage que j’avais pu rapporter . La partie arriére de
l’hydravion avait beaucoup moins souffert et ce témoignage
indispensable à la commission d’enquête pouvait démontrer la
rupture brutale de l’un des éléments vitaux de l’avion et le
plongeon vers la mer
Nous
étions peu nombreux a l’escadrille et ce drame marqua profondément
la vie des membres du personnel volant , tous solidement liés par
une profonde camaraderie construite par la
répétition journaliére des vols et les missions diverses qui en découlaient
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